Tunisie, Egypte, Libye : l'onde de choc à travers l'Afrique
Des signes de nervosité se multiplient au sud du Sahara, au Sénégal, en Erythrée, à Djibouti et jusqu'en Afrique du Sud. Moeletsi Mbeki, universitaire, homme d'affaires et frère de l'ancien président Thabo Mbeki, estime en effet que des révoltes à la tunisienne sont prévisibles d'ici 2020 en Afrique du Sud, si le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) ne change pas de politique. Jacob Zuma, le chef de l'Etat, a balayé l'argument. Contrairement à bien des pays arabes, a-t-il rappelé, l'Afrique du Sud est une «démocratie constitutionnelle». De violentes émeutes n'en ont pas moins éclaté, le 15 février, contre l'état des services publics, le chômage et les candidatures locales de l'ANC dans le township de la localité rurale d'Ermelo, dans le nord du pays.
Mais pour l'instant, les régimes les plus nerveux sont ceux qui se trouvent à proximité de l'Egypte et de la Libye. L'effet domino est redouté en Erythrée, où Asmara a interdit toute mention de la Tunisie ou de l'Egypte dans les médias d'Etat, mais aussi en Ethiopie, où Meles Zenawi craint des émeutes de la faim. A Djibouti, ancienne colonie française, des manifestations sans précédent se sont déroulées vendredi 18 février au stade Gouled, dans la capitale. Des milliers de personnes se sont rassemblées pour exiger un «changement de régime».
Ces manifestations ont secoué un micro-Etat de toute première importance stratégique, où se trouvent des bases militaires française et américaine. Lundi, les deux principaux partis d'opposition djiboutiens ont condamné la «violente répression» policière, qui aurait fait 3 morts et 100 blessés. Le président, Ismael Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, a fait amender la Constitution en 2010 pour briguer un troisième mandat lors des élections du 8 avril prochain.
Au Soudan, le président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 1989, a annoncé le 21 février qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat en 2015. Cet habitué de la répression, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), a fait mater les premières manifestations le 30 janvier et 1er février, organisées à Khartoum, la capitale. Deux semaines plus tard, à l'appel d'étudiants sur Facebook, il n'y avait pas plus de 200 personnes pour se risquer à manifester à Khartoum.
Au Zimbabwe, 46 personnes, avocats, syndicalistes et étudiants, ont été arrêtés le 19 février, après une descente de police dans une maison où ils discutaient de manifestations de masse à l'égyptienne, en regardant des vidéos tournées sur la place Tahrir. Au moins 9 d'entre eux ont ensuite été frappés par la police avec des planches, selon Rose Hanzi, avocate des droits de l'homme. Au Mozambique, la présence policière a été renforcée lundi sur les grandes places de Maputo, la capitale, à titre purement préventif. On ne sait jamais : Maputo a été le théâtre de violentes émeutes de la faim en 2008 et 2010, les dernières ayant fait 12 morts et 100 blessés.
Au Sénégal, un ancien militaire invalide, n'ayant jamais reçu son pécule et pas retrouvé d'emploi, s'est immolé par le feu devant le palais présidentiel, à Dakar, le 18 février. Dénommé Bocar Bocoum, cet homme de 35 ans est mort de ses blessures deux jours plus tard. Alors que les rebelles indépendantistes de Casamance, dans le sud du pays, refont parler les armes, Abdoulaye Wade, le chef de l'Etat, a donné des consignes pour que soient réglés au plus vite les problèmes de délestages (coupures de courant), qui ont déjà provoqué des émeutes à Dakar.
A l'effet Egypte s'ajoute l'effet Côte d'Ivoire, dans des processus électoraux qui menacent de devenir problématiques. En Ouganda, Yoweri Museveni, 66 ans, au pouvoir depuis 25 ans, a remporté la présidentielle du 18 février avec 68 % des voix. Les observateurs de l'Union africaine (UA) ont mentionné des «défauts» lors du scrutin. Les deux candidats perdants ont appelé à des manifestations de «style égyptien». Réponse de Museveni, homme à poigne : «Je mettrai en prison quiconque essaiera d'allumer une étincelle égyptienne».
Par Sabine Cessou ; Source : africa.blogs.liberation.fr
© Reuters / Une femme tunisienne fuit la Libye à un poste frontière, le 23 février. En bas : le président djiboutien, Ismael Omar Guelleh.
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