Dakhla : le festival vire au drame


[Le Soir Echos] Le festival «Mer et désert » de Dakhla à clos samedi, avant même son ouverture « officielle » prévue l’après-midi. La veille, à l’issue des concerts, des affrontements entre jeunes originaires de l’intérieur du pays et des locaux, ont fait un mort et plusieurs blessés. Les autorités parlent de séparatistes qui auraient profité encore une fois de l’occasion pour passer aux actes de vandalisme.

Dimanche matin, les rues sont calmes à Dakhla. A peine quelques cafés sont ouverts devant la place Hassan II, où la scène est en train d’être démontée par les organisateurs. Certains commerçants aussi sont ouverts. Les témoignages sur place ne signalent rien de bon : « Le marché de légumes a eu ordre de fermer aux alentours de 13h. Tous ceux qui doivent se ravitailler ont intérêt à le faire dans la matinée. Car ceux qui se bagarrent depuis la veille risquent de repartir pour un tour. Les forces de l’ordre sont en alerte maximale », nous dit un garçon de café.

Tout avait pourtant commencé comme de coutume. Le Festival a ouvert ses portes depuis le début de la semaine. Les surfeurs, kitseurfeurs et autres windsurfers, ont pris leurs quartiers dans le bivouac installé à Oum Labouir à quelques kilomètres du centre ville. Plus de 200 tentes y accueillent sportifs, organisateurs, artistes, vacanciers et membres de la presse nationale et internationale. Alpha Blondy était même logé dans cet espace multinational avec son groupe. Les organisateurs ont rempli sans conteste leur mission, puis vendredi, alors que personne ne s’y attendait, les premiers heurts éclatent à l’issue du concert de la chanteuse sahraouie Rouicha. Elle ne chantera d’ailleurs qu’une petite demie-heure, car pendant le concert, le public enjambe les barrières de sécurité et la chanteuse, prise de panique, décide d’écourter sa représentation. C’est à partir de ce moment-là que les choses commencent à dégénérer. Les vandales entrent dans le quartier Oum Tounssi et commencent à saccager les lieux, déclenchant le début des affrontements. Bilan, plus de 7 voitures seraient parties en fumée, et une dizaine de blessés sont à déplorer.

Triste bilan

Selon les témoignages recueillis sur place, c’est « juste une bande de jeunes voyous qui profitent de cet évènement culturel pour faire montre de leur hooliganisme ». Ces jeunes, on les appelle ici les « Dakhiliyines » (gens de l’intérieur du pays). « Ils sont en bizbiz avec les locaux depuis très longtemps déjà. Des heurts ont régulièrement lieu, 3 à 4 fois par an en moyenne ». Comme nous le confie une femme originaire de la région : « Ces ‘‘Dakhliyinnes’’ vivaient dans des bidonvilles et ils ont bénéficié d’un plan de relogement social et continuent leur guéguerre contre un autre quartier d’habitat insalubre, dont les habitants sont originaires de la région. Eux aussi devaient être relogés, mais aucune évolution n’a été constatée depuis qu’on leur a donné les plans de leurs futures habitations ».

Après Vendredi soir, certaines personnes natives de la région sont allées se plaindre auprès des autorités. « Notre sécurité n’a pas été assurée, nous confie l’un d’entre- eux. Les agents sur place n’ont pas réagi aux actes de vandalisme, alors que des magasins étaient en train d’être saccagés ». Samedi, dans l’après-midi, les affrontements ont repris entre les jeunes natifs de Dakhla et les jeunes « dakhiliyinnes », toujours dans le même quartier Oum Tounssi. Pendant que les artistes faisaient leurs balances sur scène, les autorités demandent l’arrêt immédiat de la musique. Mais la situation devient particulièrement alarmante lorsqu’une loge d’artiste, derrière la scène, est brûlée par des vandales. Une heure plus tard, le festival est officiellement arrêté.

Dans la nuit de samedi à dimanche, les affrontements se sont poursuivis dans 3 quartiers différents : Hay Masjid, Hay Oum Tounsi et Oum Ghoufrane. Le bilan officiel du week-end, selon le wali de la région qui s’est exprimé à 11 heures du soir, est de 1 mort 14 blessés, 4 voitures brûlées, une agence Banque Populaire et une autre Wafacash, saccagées. On déplore également un décès suite à un accident de voiture intentionnellement mortel.

Dimanche matin, à l’heure où nous mettions sous presse, les forces de l’ordre étaient encore en alerte maximale. Selon les témoignages recueillis ici et là, de nouveaux affrontements continuaient encore en début d’après-midi. L’organisation, elle, a invité tous les festivaliers à rejoindre le bivouac où était prévue la remise des prix de la compétition de surf. 

« Je suis triste pour la population de Dakhla »
José Kamal, directeur du Festival de Dakhla


Les heurts et les actes de vandalismes qui ont lieu depuis vendredi n’ont pas surpris grand monde chez les observateurs. Pour beaucoup, ils étaient prévisibles. Le risque de maintenir le festival à quelques semaines de son coup d’envoi était-il calculé ?

Oui il était calculé, mais pas a mon niveau. Depuis les événements de Laâyoune, les autorités se sont posé la question, et elles ont décidé de maintenir le Festival. Vu que Dakhla est habituellement calme, et que nous étions tous optimistes, le feu est resté au vert.

De quelles manières ont commencé les échauffourées ?

Dés que la chanteuse Aouicha a arrêté son concert, une quarantaine de minutes après les débats, ça a commencé à chauffer. Personnellement, je me suis dit qu’il y avait un problème de sécurité. Même avant, on s’était tous rendu compte qu’il y avait un problème. Il y avait une inflation sur les badges, et heureusement d’ailleurs, car cela nous a permis de supprimer le carré VIP initialement prévu. Quant les gens ont quitté ce concert, je suis passé juste à côté d’une bagarre. C’était la première fois depuis 5 ans que je voyais la population de Dakhla s’énerver après un concert. Je me suis inquiété, mais j’étais confiant. On s’est dit que les autorités avaient l’habitude de genre de débordement. Vous savez, il y en a eu des festivals au Maroc, et les autorités gèrent habituellement cela très bien. Une heure après, les choses ont pris une tournure plus violente et là j’étais extrêmement inquiet, parce que c’est une situation vraiment exceptionnelle qu’on a eu, pour la première fois, à Dakhla. Et je suppose que ça l’a été également pour les autorités, auprès de qui je n’ai plus de nouvelles.

Quand avez-vous décidé de tout annuler ?

Après les balances de samedi, on nous a demandé d’arrêter le son. Ensuite, nous avons dû expliquer que par mesure de précaution, il n’y aura pas de rassemblement autour de la scène samedi soir, et que donc, les concerts étaient tous annulés. Le sport continuait dans l’après-midi à Foum Labouir et la finale de la compétition a été maintenue. Il y avait même dans le public beaucoup d’habitant de Dakhla.

Quel est votre sentiment, dimanche matin, alors que tout l’évènement est annulé ?

Je me sens extrêmement triste pour la population de Dakhla, qu’on a privée de l’un des seuls divertissements culturels de l’année. Je ne sais pas si je peux exprimer tous mes sentiments, mais je pense que toutes ces images de violence qu’on voit dans les journaux télévisés, particulièrement arabophones, excitent beaucoup les jeunes de 15 à 18 ans. Maintenant, à la première occasion, ils tentent de singer ce qu’ils y voient. Les images de soulèvement des journaux télévisés, c’est la star académie de la violence !

Qu’est-ce qui reste maintenu ce dimanche matin ?

Uniquement la remise des prix des compétions sportives.

Le bruit court que dans l’après-midi, de nouveaux heurts pourraient avoir lieu.

Je n’en sais pas plus que vous mais en tout cas, tous les festivaliers sont invités à rejoindre le bivouac. Je peux aussi rajouter que les avions partiront comme prévu, aux horaires convenus.

Les prochaines éditions du Festival de Dakhla sont-elles menacées ?

Je mettrais toute mon énergie pour que le festival ait lieu en 2012. J’ai donné huit ans de ma vie professionnelle pour la promotion de cette belle région, et je n’abandonnerai pas. Toute l’association du festival est convaincue du bien-fondé de notre action. Une action légitime et citoyenne.

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